Joseph Safieddine
Kyungeun Park
Les éditions Le Lombard
2018
C’est avec émotion, il y a quelques jours, que j’ai tourné la dernière page de ce livre. Impossible pour moi de garder le silence et de ne pas vous délivrer mon ressenti tant il y a longtemps que je n’avais été aussi touchée par un roman graphique.
Depuis la semaine dernière, je me
demande comment vous parler avec justesse de ce livre, de sa
profondeur, de sa générosité. Je tourne, je vire, je jongle avec les
mots mais ils ne reflètent pas mon ressenti, alors si je vous en parlais avec
simplicité ?
On ne peut pas dire que le titre
soit accrocheur et pourtant quand on comprend sa signification tout prend son
sens et devient philosophie et évidence.
Pourquoi Coucou ? C’est la
première question que je me suis posée !
COUCOU : Gros oiseau passereau […]. La femelle pond chacun de
ses œufs dans un nid de passereaux d’une autre espèce […] ; les parents
adoptifs couvent, puis nourrissent le jeune coucou, qui jette les œufs de
l’espèce-hôte par dessus bord. [Le
Larousse]
Toute la clef de l’histoire est
dans cette définition.
Il y a bien longtemps Abel a
quitté sa famille et son pays, le Liban. En s’exilant à Paris, il enfouit son
identité au plus profond de son être et renferme ainsi un passé qu’il veut à
tout prix oublier. D’ailleurs, il ne s’appelle plus Abel mais Allan. Mais les choses ne se passent pas toujours comme on le souhaite. Un jour ou l’autre les secrets de famille
resurgissent et vous accablent avec violence. Parfois le temps est assassin. Le moment est peut-être venu d’affronter ses souvenirs, ses origines, sa mère… son
histoire !
Moi-même fille d’exilé, je ne
pouvais qu’être touchée par cet homme à la lisière de deux pays. Il affronte
tant bien que mal sa culture et son histoire. Au fil des pages, on l’accompagne
dans sa quête, on l’accuse, on le blâme puis on le comprend et enfin, on finit
par l’aimer.
Joseph Safieddine, jeune auteur libanais, a fouillé dans sa mémoire et a posé ses maux sur cette histoire, peut-être son
histoire, avec pudeur, élégance et beaucoup de sensibilité. Pour parachever ce coup de cœur, le texte
est transcendé par les couleurs chaudes et le très beau crayonné des dessins. Kyungeun Park retranscrit à merveille
les expressions sur les visages, les émotions dans les regards et le silence devient langage. On ressent la
brise dans les cheveux d’Abel et la moiteur sur sa peau brûlée. Les paysages
sont d’une telle splendeur que les parfums de coriandre, de cumin et de
cannelle viennent caresser vos sens.
Entre plume et pinceau, ce livre
éveille en nous une furieuse envie d’évasion vers soi et vers l’orient…