samedi 27 juillet 2013

Son frère

Philippe BESSON

Editions Julliard 2001
152 pages



Mon Ange,
Acheter ce livre était une chose, le lire en était une autre, je ne le savais que trop bien...

Il s’est passé presque deux ans avant que je puisse tourner cette première page. Deux ans pour que cette douleur s’atténue un peu, qu’elle soit plus douce pour accepter l’inacceptable. Je savais que ces pages auraient l’effet d’un boomerang, une explosion de souvenirs qui me remettait face aux méandres de ton silence, ton absence, du manque et de ce parcours cruel que fut notre chemin. Je te savais condamné, tu étais plein d’espoir. Je t’ai tenu la main et quand nous sommes arrivés tous deux au point de non-retour, comme un grand frère débordant d’amour, tu as commencé à lâcher ma main, je l’ai retenue. Encore un peu s’il te plait. J’étais prête selon toi. Alors comme un brave petit soldat, c’est seul que je t’ai laissé franchir cette porte, un lâcher prise, vers l’inévitable, mon frère vient de mourir.
31 juillet, Thomas meurt. Voilà les premiers mots de ce livre qui s’enfoncent comme un poignard. Plus j’ai mal, plus je poursuis cette marche funèbre, plus je m’enfonce dans un abysse de souffrance. Malgré la douleur, je continue comme pour me punir d’avoir un cœur qui bat encore alors que le tien n’est plus. Les larmes, les sanglots m’assaillent et puis ma gorge se noue, se serre, prête à m’étouffer, j’abandonne. Chaque ligne de ce livre me rappelle à toi, chaque phrase sonne le glas, chaque mot se diffuse comme un poison. INSOUTENABLE. Je n’ai pu finir ce livre. Trop déchirant, éprouvant. J’étais de nouveau au bord du précipice. C’est trop profond, cette douleur est trop lourde, ça fait encore trop mal. Pourtant que Philippe Besson me pardonne car ce récit est d’une intensité rare. Un face à face empreint de souvenirs magnifiques. Sa plume est pure, délicate, son écriture est sincère, chaque mot, chaque parole transpirent l’amour, le respect et la pudeur. Une trop forte émotion l’a emporté sur tout le reste. L’auteur raconte le douloureux parcours de Lucas et de Son Frère malade, Thomas. Il va mourir, il le sait, nous le savons. Dans cette chambre d’hôpital, ce n’était plus Lucas et Thomas, c’était toi, moi et ce putain de bip qui ne cessait de ralentir. Le retour du boomerang était trop violent,  j’ai refermé ce livre, j’ai jeté l’éponge…
Alors que dire de plus sans tomber davantage dans le pathos ? A ceux qui ont perdu un frère, attendez peut-être un peu que le temps cicatrise les blessures. Pour les autres, lisez-le, chérissez-le,  ce livre est d’une beauté extrême qui vous fera aimer la vie.
J’ai compris aujourd’hui comme Lucas, que l’on ne guérit jamais d’une telle absence. On vit avec. Chaque jour quelque chose nous rappelle, Thomas, Toi. Une chanson, un parfum, un portable qui ne sonnera plus.

Lundi 19 septembre 2011   2h20 _____________________________________________________

La vie ne sera jamais plus la même.

A mon frère José Antoine, Mon Ange, Je t’Aime. 

 
Mes marque-Pages :
"Je croyais que la mort survenait toujours en hiver, qu'il lui fallait le froid, la grisaille, une sorte de désolation, que c'est seulement ainsi qu'elle pouvait se sentir sur son terrain. Je découvre qu'elle peut tout aussi bien exercer sa besogne en plein soleil, en pleine lumière. Je songe que Thomas l'accueillera en pleine lumière".
"Ai-je jamais été aussi proche de lui qu’aujourd’hui ? J’ai beau connaître notre intimité, qui date du premier jour, qui ne s’est jamais démentie, qui donne tout son sens au mot fraternité, il me semble que notre proximité n’a jamais été aussi grande que dans ces instants qui sentent la fin".
"Voilà. Il faut retrouver cette terreur, désormais presque familière. Il faut vivre avec cela, la peur que tout s’arrête, en une minute, que l’hémorragie survienne et l’emporte. Je songe qu’à tout instant, la tête pourrait partir en arrière, explosée de sang, comme si elle avait été atteinte par une balle tirée de loin".
"J'ai approché mon visage au plus près du sien. Le souffle chaud de mon haleine a glissé sur sa rigidité de cadavre. Mes lèvres ont embrassé sa joue. Sa peau s'est fissuré sous mon baiser".
 
Mon post it :
Pour lire le sublime billet du_Bison c'est Ici 
Mon buvard à émotion :
A mon Ti A.... Merci de tes mots " Il est parfois des choses dont il faut se libérer"... C'est fait. Merci d'être toi, Merci d'être là.

 
 
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vendredi 26 juillet 2013

Vendredi soir

Emmanuèle Bernheim

Editions Gallimard
110 pages
1998




Un vendredi soir comme les autres.

Oscar Wilde disait : «La meilleure façon de résister à la tentation, c’est d’y céder».
Laure a une vie simple et bien rangée. Son appartement est envahi par les cartons car justement, après 8 ans, Laure quitte son domicile pour emménager avec François, médecin, son fiancé. Ce soir, il est en conférence. C’est avec un léger regret qu’elle part rejoindre Marie et Bernard. Dernière soirée en célibataire, demain, enfin, elle sera avec François.
Mais voilà, les choses ne se déroulent pas toujours comme on le souhaite. A Paris, les grèves du métro persistent. Périphérique bloqué, rues bouchées, les piétons se bousculent. Laure, dans sa voiture, roule au ralenti. Elle refuse un premier auto-stoppeur par crainte, mais prise de remord elle se promet de prendre le suivant quel qu’il soit, après tout le métro ne fonctionne pas et il fait si froid.
Le suivant s’appelle Frédéric, juste le son de la radio les sépare. Le parfum enivrant de cet inconnu imprègne sa voiture et va la bousculer corps et âme. Cette fragrance, ce profil, cette bouche et  cette nuque délicate la bouleverse. L’odeur et le craquement de son cuir la trouble. Les mains se frôlent, leurs corps sont affamés de passion. Ce silence qui en dit long va faire basculer le cours de sa soirée jusqu’à l’ivresse, jusqu’à l’oubli.
Vous est-il déjà arrivé ne serait-ce qu’une fraction de seconde d’avoir envie de faire l’amour avec un ou une inconnue ?
Emmanuèle Bernheim va s’immiscer une nuit dans la vie d’un homme et d’une femme. Elle décrit divinement l’amour qui exulte, des corps incandescents et cette passion violente qui nous arrache ce cri orgasmique que l’on ne peut contenir. Elle sait parfaitement nous tenir éveillés et nous laisser en émoi. Comme toujours elle est directe. Ses phrases courtes cognent. Ses mots envoient des images fortes qui nous frappent. Il ne faut pas perdre de temps surtout en amour. Il faut le faire, fougueusement, passionnément. Au diable le protocole, les préliminaires, la pudeur et les draps bien tirés, plus rien n’existe sinon l’extase à l’unisson.
Attention, nous sommes vendredi soir...

Ce devrait être une soirée comme les autres…

Mon marque page :
« La respiration de Frédéric s’accéléra.
Ses reins se soulevèrent.
Tout son corps vibra, et Laure crut l’entendre gémir.
Ses lèvres glissèrent de plus en plus vite, sa langue virevoltait, sa gorge était sans fond.
Et brusquement, il lui sembla que le foutre de Frédéric giclait dans sa bouche, et qu’elle l’avalait. Qu’elle avalait tout ».
Et mon post it :
Je remercie manU pour m’avoir menée vers Emmanuèle Bernheim, que j’aime son écriture. Merci pour ce livre, une caresse magnifique qui m’a tenue éveillée jusqu’au bout de la nuit.

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mardi 23 juillet 2013

Un ciel radieux

Jirô Taniguchi
晴れゆく空, Hare yuku sora

Editions Casterman
Ecritures I - 2006
 300 pages

(Acheté chez Priceminister)



"Mais qui croira mon histoire ? Moi-même parfois, je me demande si tout cela est réellement arrivé… "

Kazuhiro, en voiture, et Takuya, en moto, se font face sur la route. Le premier est harassé par un travail exigeant et le deuxième a la fougue de la jeunesse. L’accident est inévitable.

Kazuhiro meurt. Takuya est dans le coma. Mais n’est-ce pas le contraire ?
Après 22 jours de combat, miracle ! Takuya sort du coma. Mais effet étrange, il ne reconnait pas les siens. Pourquoi tout le monde l’appelle Takuya, il y a erreur sur la personne, son nom est Kazuhiro !

Durant le choc accidentel, la conscience du père de famille a pris place dans celle du jeune homme de dix sept ans. Mais que se passe-t-il quand Takuya veut reprendre possession de son corps mais que celui-ci est bien trop petit pour deux âmes écorchées ? Kazuhiro prend le dessus. Il n’est pas dans ce corps par hasard, il lui reste tant de chose à accomplir, à dire à ses proches. Mais comment faire ? Le temps lui est-il compté ? Il veut coûte que coûte revoir la femme de sa vie et sa fille qu’il a laissées dans le chaos. Il n’a pas d’autre choix, Takuya doit lui venir en aide. Mais la cohabitation dans ce jeune corps s’avère difficile. Les familles respectives sont dépassées, comment croire l’impensable ? Les non-dits, les secrets, les silences, les doutes viennent s’entremêler dans cette douloureuse convalescence.
Kazuhiro prend conscience du surmenage qui l’a conduit à sa perte, éloigné de sa femme et se rend compte du gâchis. Quant à Takuya il lui reste tant de chose à apprendre et comprendre sur ses parents que son jeune âge a réfuté.

La sagesse et la jeunesse vont s’affronter, se lier, se délier. Une remise en question pour ces deux êtres que la vie n’a pas épargnés. Un duo difficile surtout quand l’un veut reprendre ses droits et possession de ses facultés tandis que l’autre se bat pour accomplir sa mission avant, mais avant quoi ?

Kazuhiro acceptera-t-il l’évidence ? Takuya reprendra-t-il possession de sa vie au dépend de l’autre ?
Un face à face splendide entre résilience et rédemption que Jirô Taniguchi mène de main de maître. Un manga sublime, rempli d’émotion. Une écriture qui prend possession de notre conscience et nous tire les larmes. Une philosophie de vie qui nous percute et nous ramène aux vraies valeurs, à l’essentiel.

Taniguchi : Emotion, Sensibilité et Vérité, quel Pléonasme !

Un ciel radieux ? Un ciel parfait que mon âme n’est pas prête d’oublier…












 
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dimanche 21 juillet 2013

Polina

Bastien Vivès

Editions :
KSTR-Casterman 2011

206 pages
(Offert)

 
«La souplesse et la grâce ne s’apprennent pas c’est un don. Suivante … »
 
Il faut être la meilleure pour rentrer à l’Académie de danse Bojinski. Quand le regard du maître se pose sur la jeune fille, il ne voit plus en elle une fillette mais une future danseuse étoile. Il va s’acharner pour que Polina frôle l’excellence, jusqu’à l’épuisement, jusqu’au sang. Quand on entre dans le cours de Bosinski plus rien à d’importance. Tu ne dois vivre, respirer, bouger, marcher que par et pour la danse. Pourtant danser c’est toute sa vie. Mais danser pour qui, pour quoi ? Telle est la question que lui pose son professeur qui va la pousser au-delà de ses limites.
 
 
Devenir danseuse étoile est un sacerdoce, Polina va vite le comprendre à ses dépends.
Bojonski est redoutable, cruel et pourtant il va la mener au sommet. Mais la rançon de la gloire est très lourde et le prix qui mène au succès est très cher. Plus rien n’existe mis à part la danse. La suivante est là, à guetter le moindre faux pas ou à espérer la chute, la descente aux enfers qui lui permettra de prendre un billet pour les étoiles. Devenir danseuse est un chemin de croix jonché de 14 heures de travail quotidien, avec des professeurs qui en exige toujours plus. Même si tu as mal, ne jamais te plaindre. Si tu tombes, te relever encore et encore et recommencer. Le doute s’installe, les désillusions, les regrets. L’amour nous échappe, l’absence de famille et de vie personnelle  se fait ressentir. Et malgré tous ces problèmes qui polluent la tête, il faut danser, interpréter, donner le meilleur de soi-même et faire ressortir des émotions contenues, maitrisées malgré la douleur, malgré tout le reste.
«La danse c’est de l’art, il n’y a pas d’adversaire et il n’y a pas de partenaire»
Bastien Vivès a réalisé un roman graphique d’une pureté extrême. Sujet intéressant malgré un graphisme quelque peu déroutant au début, manque de finesse, absence de perspective, visages sans expression. J’ai vite été absorbée par l’histoire, l’écriture et finalement les dessins, de deux couleurs uniques, me sont devenus  agréables et intenses.
 
 
Avant de devenir femme, Polina va devenir une artiste mais quel en sera le prix ?
«Il ne sert à rien d’aller le plus haut possible, si on ne prend pas le temps de contempler»
Polina,  l’art de ne jamais renoncer…
 
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samedi 20 juillet 2013

Martine est malade

Gilbert DELAHAYE
Marcel MARLIER

Editions : Casterman
Collection Farandole

1954 à 2010

 

Voilà le coupable de ma belle collection, je devais avoir huit neuf ans, j’étais au fond de mon lit avec de la fièvre. Mon père était rentré un peu plus tôt du travail ce jour là. Juste avant, il avait fait un détour dans mon lieu de prédilection où nous passions beaucoup de temps ensemble : «Ma librairie » et c’est avec toi sous le bras qu’il fit son entrée. Je fis ta connaissance et comme moi tu étais malade.
Ce sera le début d’une grande amitié ma petite Martine. Quel bonheur toutes nos soirées pyjama  entre copines. Tu es rentrée dans ma chambre pour ne jamais en ressortir. Chaque page tournée, chaque image, histoire et ta jolie frimousse m’ont embarquées dans des aventures féériques et sublimes. Dieu que j’ai aimé ces moments passés en ta compagnie ainsi que Patapouf ton chien et ton chat Moustache. Tu me confiais tes plus beaux secrets et moi je restais bouche bée à les écouter. Tu étais, en partie, responsable de mon bonheur. Un soir au cirque, le lendemain à la ferme, le jour suivant à la montagne, tantôt je fus infirmière, vétérinaire ou petit rat de l’opéra. Parfois je montais à cheval, faisais du ski, de la voile et que sais-je encore, un monde d’évasion avec mille et une aventures. C’est pourquoi il ne m’était jamais difficile d’aller me coucher. Je me glissais dans mon lit bien au chaud, ma mère me bordait, déposait un baiser sur mon front, tu prenais place à mes côtés et nous voilà plongées dans un cocon soyeux, un monde merveilleux où il n’y avait plus de place pour les méchants et les sorcières. Cette complicité durera de longues années et se poursuivra bien au-delà. Ce fut des moments de tendresse inoubliables.
Tes pères aujourd’hui disparus, Gilbert DELAHAYE pour la douceur de son écriture et Marcel MARLIER pour ses illustrations enchanteresses ont fait rêver des générations de petites filles  qui sont devenues mère à leur tour et ont passé le flambeau.  Qui sait, si elles n’ont pas choisi leurs vocations un peu grâce à toi ?  
Une dédicace spéciale à Christine, la petite fille nostalgique qui est restée au fond de moi et qui réclame de temps en temps un petit moment d’innocence dans ce monde de brutes.
Martine, Patapouf et Moustache, qu’il est bon de courir et de s’amuser…
Martine, M. Marlier et Patapouf


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mardi 16 juillet 2013

Le retour à la terre

1. La vraie vie

Manu Larcenet
&
Jean-Yves Ferri

Editions Dargaud

(Lecture partagée avec manU )

 

Karoutcho ! En dialecte paysan « Ravi de vous rencontrer ».
 
Ben ouais, ne s’improvise pas campagnard qui veut, surtout quand on est un vrai titi parisien.
Alors que se passe-t-il quand un petit rat des villes, auteur de bande dessinée, se retrouve en rase campagne et qu’il n’y a plus la pollution, la cohue du métro, le trafic, les bouchons, les vols à l’arraché ? Et bien c’est la déprime totale ! Ce silence déconcertant, ces fleurs aux parfums enivrants, ces  papillons virevoltants, ces pittoresques voisins omniprésents, la neige, le cui-cui des oiseaux, au secours, c’en est trop ! Je veux mon périph et ses gaz  d’échappement, ma station Châtelet-les Halles, mon B.H.V Rivoli, les quais, la seine,  le bruit.
Rendez-moi mon bitume, ma métropole ! Non, Paris n’est pas si moche !
Pour Manu Larssinet trop de nature tue la nature. Venant tout droit de l’Essonne pour s’installer aux Ravenelles, village paumé au fin fond de la cambrousse avec seulement 89 habitants, il n’a plus qu’une idée en tête, repartir au plus vite dans sa banlieue, s’enfermer entre les quatre murs de sa cité et retrouver son inspiration envolée au milieu des vaches et des papillons. Mais Mariette, sa douce et tendre ne l’entend de cette oreille. Et puis, n’y a-t-il pas la belle boulangère et ses belles miches ?
Quand Manu Larcenet dessine Manu Larssinet et que Ferri rajoute sa signature, c’est hilarant. Ils usent de l’autodérision pour nous conter le quotidien d’un homme comme vous et moi. Ils ne vont pas l’épargner. Rien ne leurs échappent, vécu garanti ! Pas de pitié ni pour le rat des villes ni pour les rats des champs, même le chat citadin a perdu son instinct de chasseur.  Ils brossent les portraits  de ces personnages avec humour, subtilité et toujours avec tendresse.  Une fois de plus, le duo d’auteurs tape dans le mille.
 
Le retour à la terre, une cure de désintoxication et un beau voyage vers la vraie vie.

Ferri & Larcenet, une bouffée d’air pur !
 
 
Pour un bol de fraicheur la chronique de manU c'est Ici
 
 
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dimanche 14 juillet 2013

Au vent mauvais

Récit de Rascal
Dessin de T. Murat

Editions : FutuRoPoliS
Mars 2013
110 pages

(Offert)


"Variations de Goldberg de J.S Bach"
 

Il y a des jours, comme ça, où rien ne se passe comme on le souhaiterait, il y a des vents contraires, des vents mauvais …
«Le ciel est par-dessus le toit
Si beau, si calme …»
 
Tel Verlaine, Abel Mérian, observait ce monde à travers une fenêtre flanquée de trois barreaux. Il regardait la vie défiler à grande vitesse. A sa sortie de prison je suis rentrée dans sa tête et je ne l’ai plus lâché. Peu m’importe son passé, son délit, pour moi Abel, est un homme bien que j’ai envie de connaître, de comprendre, d’aider et d’aimer. Il a cette retenue, cette mélancolie  que j’admire chez les hommes et pourtant c’est un volcan prêt à entrer en éruption.
 
Seul et sans illusion, il se débarrasse de ses vieilles guenilles et va dépenser sa solde pour ressembler à un homme ordinaire, mais quel bel homme ! Il a un but, qu’il attend depuis sept ans, sept longues années. Il se dirige vers une vieille usine désaffectée pour récupérer son butin et tirer un trait sur son passé. Mais le vieux bâtiment fait place à un musée flambant neuf. Envolés ses projets, ses rêves, il est dans la merde jusqu’au cou.
 
Submergé par ses idées noires, les «variations de Goldberg» le ramènent soudain à la réalité par le biais de la sonnerie d'un portable oublié.  Il décroche et une douce et jolie voix lui demande de lui renvoyer le portable en Italie où elle est sur le point de se rendre. Abel, séduit, accepte mais va quelque peu fouiller dans le portable de cette inconnue et va s’immiscer dans ses textos, ses photos, son ex, ses copines, ses joies, ses peines, sa vie en somme.
 
Lui renvoyer son portable ? Mais pourquoi ne pas lui remettre en main propre en Italie ? Il vole une voiture au hasard de sa route et le voilà parti seul vers l’inconnu. Seul ? Pas vraiment. Son chemin va être jalonné de rencontres inattendues et de souvenirs de son enfance.

 -Qu’as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse,
Dis qu’as-tu fais, toi que voilà,
De ta jeunesse ?
 
Un road-movie sublime, l'introspection délicate, douce-amère d’un homme désabusé. Le graphisme sur fond de couleurs automnales  nous absorbe. Une tranche de vie authentique, douloureuse, qui laisse des traces, car parfois la vie ne fait pas de cadeau.

Il y a des jours comme ça où rien ne se passe comme on le souhaiterait, il y a des vents contraires,
des vents mauvais …
 
Merci à Jacky grâce à qui j'ai découvert ce magnifique album.
Pour voir son sublime billet c'est


Et je m'en vais
Au vent mauvais
Qui m'emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.

P. Verlaine
 
La vie est la farce à mener par tous
A.Rimbaud
 
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samedi 13 juillet 2013

Tout sauf l'amour

Dessin et couleur :
Frédéric Bihel

Récit :
Toldac & Pierre Makyo

Editions : FutuRoPoliS

95 pages
Février 2013

(Achat d'occasion au festival de la BD à Eurre)

 

"Pourtant que la montagne est belle comment peut on s’imaginer" que parfois la nature reprend ses droits et devienne si cruelle.
Nina, six ans, rit aux éclats devant l’objectif de sa mère et c’est la photo de trop. Une avalanche vient tout balayer  et puis plus rien, le désespoir glaçant, une page blanche comme neige.
2010, Nina de Beaumont a 26 ans. Elle est devenue une belle jeune femme mais elle est anhédonique. Incapable de ressentir la moindre émotion positive ou plaisante depuis la mort accidentelle de sa mère, le bonheur l’insupporte. Une certaine culpabilité l’habite, elle refuse d’être heureuse allant jusqu’à faire des choses qu’elle déteste le plus, comme pour se punir d’un acte, d’un rire. Son père, Antoine, ne sait plus quoi faire pour sauver Nina de cette dépression et vit dans la  l’angoisse de perdre sa fille unique, syndrome de l’enfant précieux. Mais le destin va mettre José sur son chemin.
José Alcano, neurologue, amateur de voiture de collection tient une agence matrimoniale d’un nouveau genre, «Les rencontres du 21e ciel»,  avec une méthode révolutionnaire pour former les couples. Il dissèque les mécanismes névrotiques de l’amour. Pour lui, le coup de foudre  n’est qu’une question d’impact hormonal et  de probabilité. Il vient justement d’écrire un livre : Roméo + Juliette La farce hormonale. Alors, quand il a un accident de voiture sur la voie ferrée et que le PDG de la SNCF lui demande une compensation pour les dégâts causés et que ce PDG n’est autre qu’Antoine de Beaumont, le père de Nina, un pacte  va s’imposer à eux comme une évidence : Sauver Nina et  alors Antoine effacera sa dette.
Mais parfois les probabilités sont trompeuses surtout quand il s’agit de l’amour. Les sentiments sont parfois capricieux,  aimer ne se commande pas.
Cette comédie sentimentale m’a embarqué dès la première bulle. Le personnage de José est très attachant et  m’a beaucoup amusé. Très joli album servi par de belles couleurs pastel  et de jolis dialogues.  Un petit coup de fraicheur, à lire au bord de la piscine  pour passer un  moment agréable.
Tout sauf l’amour… Et si c'était, Rien, sinon l’Amour
 
 
 
Mes post-it :
 
"Oui, je sais ce que vous allez dire : Elle n'est pas belle. Mais l'amour, le vrai amour, n'a rien avoir avec la beauté. Il vit dans les profondeurs. La beauté ou l'absence de beauté est un petit problème de surface".
 
 
"- Disons que pour un couple lorsque le candidat idéal est trouvé la programmation de l'amour dure trois ans... c'est la période pendant laquelle l'hypophyse synthétise de l'ocytocine... l'hormone de l'Amour ;  Ensuite, l'état amoureux s'arrête et le cerveau retrouve une activité normale.
- Ah ! Et alors qu'est ce qui se passe... après ?
- Après ? ... Vous retrouvez une vie normale.
- Et elle est comment la vie normale de José Alcano ?
- Fin de l'interview !"
 
 
"Non, non... Pas de merci Antoine. Le guérisseur soigne ... C'est Dieu qui guérit".
 
 
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dimanche 7 juillet 2013

Clair-Obscur dans la vallée de la lune

 
Fanny MONTGERMONT
Didier ALCANTE

Edition Air Libre
2012
64 pages

Lecture partagée avec manU

 

- «Clair-obscur» ! l’Art de nuancer, sur un fond d’ombre, un effet de lumière diffuse…
-  Je ne comprends pas … ?

1998, le Chili porte encore les stigmates d’un pays gouverné par le général Pinochet. Dix sept années d’un régime dictatorial laissent des traces indélébiles : violations des droits de l’homme, tortures, disparitions et arrestations de dissidents, perte de toute dignité humaine,  des atrocités à peine concevable et pourtant …
Joan et José sont deux écorchés vifs que la vie n’a pas épargnés. Leur rencontre va changer leurs destins. Joan est une touriste américaine venue au Chili se ressourcer. José va lui servir de guide pour visiter les plus beaux sites de ce Chili encore à fleur de peau. Mais qui va guider l’autre ? José, marqué et écrasé par un lourd et atroce secret ou Joan qui avance malgré l’inacceptable ?
Ils se retrouvent tous deux sur le même chemin de la vie. Verront-ils cette lueur briller au loin ? Sauront-ils saisir ce rayon d’espoir ou sombreront-ils dans l’atrocité de leurs souvenirs ?
Entre flashback et présent, douleur et résilience, cette bande dessinée magnifique est une explosion d’émotions. Des couleurs douces sont posées sur un sujet grave, les paysages chiliens sont à couper le souffle. Le scénario de Didier Alcante est en béton et le tout est merveilleusement porté en image par le doux et somptueux coup de pinceau de Fanny Montgermont.

- Cette lumière, même si elle est faible peut complètement changer notre regard…
  C’est toute la puissance des contrastes : ils se révèlent l’un à l’autre !
 

Clair-obscur, même dans le noir, on espère toujours une lueur d’espoir …
 
Joan
 

Post-it :
 
- Je préfère regarder le paysage.
- Oh, il n'y a pas grand-chose à voir d'ici-là. Surtout dans le noir !
- Il y a toujours quelque chose à voir ...
 
Fanny Montgermont

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