dimanche 29 mars 2015

TSUBAKI

LE POIDS DES SECRETS /1

Aki SHIMAZAKI

Editions : BABEL

2005 - 115 pages



- Vous n'êtes pas fâché contre les américains ? Vous et votre famille êtes les victimes de la bombe atomique. Il me semble que vous les défendez. Je ne comprends pas. Elle ne répondit pas. Elle regardait vers le mur, l’air absent.

- Sais-tu dit-elle comment  certains militaires japonais se comportaient dans leurs colonies des pays asiatiques ? « Violents, cruels, brutaux, inhumains, sadiques, sauvages… » Voilà les mots utilisés par leurs victimes. Cela aurait pu être plus terrifiant si le Japon avait remporté la victoire. Beaucoup de gens devaient être contents de la défaite de l’empire japonais. Je te rappelle que les Japonais ont massacré plus de trois cent mille personnes avant d’occuper Nankin, en Chine. Ils ont tué non seulement des soldats et leurs prisonniers, mais aussi des gens ordinaires, des civils sans armes. Ils ont violé des femmes et les ont toutes tuées par la suite. Même les jeunes enfants de sept et huit ans ont été leurs victimes.

- Mon Dieu c'est épouvantable. 

Mon fils était choqué. Il se prit la tête à deux mains, longuement.

-Pourtant, continua-t-il, tout cela ne justifie pas l’utilisation des bombes atomiques. Ce n’était pas vraiment nécessaire. Les américains auraient pu éviter cette catastrophe.

La lecture de ce simple échange me saisit immédiatement et me prédit une histoire tragique. Mais j’étais loin de me douter qu’il n’y avait pas que les bombes qui puissent détruire une vie mais aussi les fractures du cœur qui peuvent changer à tout jamais un destin.

C’est au milieu des corps déchiquetés, calcinés et de l’odeur nauséabonde de la mort qu’un secret va éclater et bouleverser la vie de la jeune Yukiko. C’est avec un mélange de haine et d’amour qu’elle gardera ce secret d’alcôve au fond d’elle. Toute sa vie, il coulera dans ses veines comme un poison et quand viendra le moment fatidique de se retrouver face à Dieu, elle léguera ce poids comme pour se libérer et être plus légère pour son ultime voyage.

Quand dans l'atrocité de la guerre, les liens du sang viennent anéantir les liens du cœur et que le corps n’est que douleur, plus rien ne compte que de le soulager, quel qu’en soit l’art ou la manière, alors vient le geste crucial, libérateur ou pas.

« Comment arriver à parler sensualité alors que la puanteur de milliers de morts va emplir les pages de ce court roman ».

Telle est la réflexion du Bison qui a fait remonter cette courte nouvelle directement sur le dessus de ma P.A.L. Tabernak ! C’est justement tout le mérite de la plus québécoise des japonaises, Aki SHIMAZAKI. De sa plume délicate, elle transmet des émotions et les communique en conjuguant à merveille l’horreur à la sensualité : L’art japonais dans toute sa splendeur.

- Grand-mère, pourquoi les Américains ont-ils envoyé deux bombes atomiques sur le japon ?
- Parce qu’ils n’en avaient que deux à ce moment-là, dit-elle franchement.

Tsubakile poids des secrets... Les non-dits mutilent, les contredits tuent et quand les dits libèrent, au milieu fleuri un camélia rouge... 


椿

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dimanche 15 mars 2015

Danse avec lui






Film Français 2007
De Valérie Guignabodet
118 mn










« On ne renonce jamais aux chevaux tu sais ? Ca fait dix mille ans que les humains tentent de dresser les chevaux. Chaque humain recommence avec chaque cheval, le même travail, la même aventure, difficile et périlleuse. Dix mille ans qu’on tombe, dix mille ans qu’on se relève, qu’on invente les voitures, qu’on invente les avions, et pourtant on continue à monter à cheval... »

Et tu sais pourquoi ?

Flash-back sous le ton de la nostalgie ce lundi 28 novembre 2011. J’ai laissé traîner mes guêtres dans le ranch du_Bison et j’ai ressenti ce besoin urgent de revoir ce film français. Un drame de Valérie Guignabodet sortie en 2007. Dans ce long-métrage, nous sommes loin des grandes plaines du Montana. Nous sommes dans l’Oise et c’est justement dans ce paysage, beau, grand et vide qu’il y a une écurie et une très belle histoire sur les hommes et les chevaux. Sur la rencontre et la reconstruction de deux êtres que tout oppose. Elle, empreint de doute et de peur n’arrive plus à faire semblant et lui, un vieil homme qui a oublié de vivre.



Après une rupture dramatique et une chute fatale elle ne remontera plus à cheval. Elle fuit, se ment, se perd. C’est à la suite d’une panne d’essence ou plutôt une panne de cœur qu’Alexandra se retrouve, par le plus pur des hasards, dans un haras. Dans cette écurie, elle reprendra confiance, réapprendra le vrai sens du mot «Aimer », donnera de son temps, remontera en selle, et franchira les obstacles.







Comme à son habitude Mathilde Seigner campe une femme de caractère renfermant des blessures et des désillusions dans son corps et son cœur meurtris. Sami Frey, quant à lui, est magistral et envoûtant dans un rôle de misanthrope. Les cadrages sur la nature et les chevaux bousculent et réveillent des souvenirs perdus en chemin. Les dialogues entre ces deux écorchés font échos au plus profond de nous.






« Se contenter de peu, et jouir de chaque chose.
Ce n'est pas le but qui compte, c'est le chemin.
Parce que si tu attends d'être arrivé pour jouir,
tu ne jouiras jamais. »

Un film troublant et des messages d’espoir transmis par la grâce des chevaux et la force de la nature, des sujets chers au cœur de la réalisatrice. Une nature dont nous ne prenons plus le temps d’observer les secrets et la magie qu’elle délivre. Parce que l’on oublie de regarder l’autre, de l’aimer, phagocyté que nous sommes par la réussite et l’égoïsme, nous laissons de côtés nos désirs, nos rêves d’enfants et on oublie d’aimer.

« On refait toujours la même chose, avec chaque cheval. Chaque jour, on refait ses gammes inlassablement, il n'y a rien de plus routinier. Pourtant on ne s'ennuie jamais, parce que l'ennui vient quand on ne se regarde plus, et on ne peut pas ne pas regarder un cheval, regarder l'autre. Regarde-le vraiment, et jamais, jamais tu ne t’ennuieras. C'est ça, le sentiment équestre. Et ça n'est rien d'autre que de l'Amour. »

Alors tu as compris pourquoi on ne renonce jamais aux  chevaux ?


Danse avec lui, et quand ton cœur sera guérit, danse avec moi ! 


Mon MMS du jour ...

















Parce qu'il y a des amitiés vraies & sincères
 MERCI !





















Vivre, Regarder, Caresser, Toucher, Rêver, Aimer, Sentir, Jouir, Donner, Recevoir, Vivre 


lundi 9 mars 2015

AXOLOT

Patrick BAUD

Les Editions Delcourt
2014




Voici un livre tout à fait extraordinaire qui renferme une multitude de faits insolites en tous genres, anciens ou récents. A chaque page, un rendez-vous vous est offert pour l’étonnement, la stupeur et l’étrangeté. Des histoires courtes en bulles, des bestioles effroyables, des anecdotes, des petites rubriques authentiques, mais aussi des curiosités et expériences scientifiques se succèdent et nous laisse béat.

A chaque fin d’histoire, une petite note d’Axolot accompagne le texte et nous explique les véritables faits. Nous passons d’aventures incroyables à des petits paragraphes contenant des bizarreries et autres mystères de la nature drôles mais souvent inquiétants.

Saviez vous qu’en 1940 Carl Tanzler fut inculpé pour avoir profané une tombe et volé le corps de sa bien aimée ?

Le grand amour du Dr Tanzler

Étiez-vous au courant que le nuage G34.3 contient assez d’alcool éthylique pour servir 300 000 pintes de bière chaque jour à chaque terrien, pendant un milliard d’années ? 

"J'en vois déjà un, billet à la main, en partance pour un cumulonimbus !" 
;-)


Mais aussi que le plus vieil arbre est un séquoia nommé Général Sherman âgé de plus de 2000 ans ?

Patrick Baud a réalisé un énorme travail de recherche pour ce livre riche en événements aussi curieux qu’étranges. L’auteur s’entoure de treize illustrateurs de talent pour donner vie à son album. J’attache beaucoup d’importance au dessin, et la couverture du livre laissait présager un graphisme élégant et tout en finesse, ce qui n’était pas le cas pour toutes les histoires mais ce détail n’enlève  rien à l’extraordinaire et à l’étonnement grandissant au fil des pages.

Un très beau livre pour curieux et adeptes d’énigmes macabres et glauques.

"Un petit dernier pour la route ?"




Message personnel à une grenouille Charentaise : 
Je crois que l'on va mettre un peu de distance entre nous ;-)


Axolot où quand la réalité dépasse la fiction !



Un grand Merci à BABELIO et aux éditions DELCOURT pour cette incroyable découverte.




Le blog d'Axolot ICI

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mardi 3 mars 2015

9 semaines ½

Elisabeth McNeill, 1978

Titre original :
Le corps étranger

Editions :
Le Livre de Poche
190 pages



« Le masochisme est celui qui vit l'attente à l'état pur. »
Gilles Deleuze



Quand j’ai vu ce roman, bien en vue, sur une étagère de la FNAC, je me suis dit que c’était un signe pour me l’offrir. J’ai vite compris que le roman allait au-delà des images fleur-bleue de Mickey Rourke et Kim Basinger. Plus dans le sadisme. Plus dans le masochisme. Plus dans l’acte, la domination, le laisser-aller et le lâcher-prise.

Il ne s’agit pas d’une romance mais bien d’un fragment de vie de l’auteure aussi irréel qu’un rêve. 9 semaines ½  de relation intense, passionnelle et cruelle. Une parenthèse isolée, mais suffisante pour la mener au bout de ses limites, au bout de l’inconcevable...

Ingeborg Day alias Elisabeth McNeill change de nom pour l’écriture de ce livre, afin de protéger sa fille alors adolescente. Elle met sur papier une liaison sadomaso, une rencontre qui la marquera dans sa chair à jamais.

Alors qu’elle se  soumet par amour et fascination, lui est dans le sadisme pur et dur. Elle ne représente qu’un objet sexuel, de brimade et de torture. Il ne lui fait pas l’amour, il la baise ne prenant du plaisir que dans la domination, la souffrance et le contrôle. Les scènes de cruauté vont crescendo et entraîne sa victime à dépasser les frontières de l’inacceptable. Elle est sous son emprise et devient accro à cet homme, à sa perversité et à la jouissance de son propre corps comme un drogué peut l’être à l’héroïne.  

« Mon cerveau est complètement bloqué par les spasmes convulsifs qui agitent mes muscles. Il masse mes seins ; j’ai du mal à respirer par le nez, car les larmes l’emplissent. […] La terreur soudain m’envahit : Je suis persuadée que je vais étouffer. Oui je vais étouffer, je vais mourir… Il écarte mes jambes ; cela me tend encore plus. Je hurle. Un son faible s’échappe de mes lèvres bouchées, semblable à une corne de brume dans le lointain. Pour la première fois de la soirée, il paraît intéressé, et même fasciné. Ses yeux sont tout près des miens ; quelque chose passe et repasse très légèrement sur mon clitoris. Ses doigts sont pleins d’huile ; je continue à crier, mais mes cris de douleur se transforment et peu à peu se confondent avec ceux - assez semblables - que je pousse quand je jouis. Et finalement je jouis. »

Cette histoire m’a fasciné par la justesse du ton de l’auteure. A travers ces pages, elle livre, sans gêne et sans tabou, son histoire, comme pour exorciser cette liaison. Jusqu’où pouvons-nous aller par amour ?  Que peut-on accepter ? Quelles sont nos limites ? Ingeborg Day  va se révéler à elle-même en se noyant dans la souffrance, l’humiliation et la dévotion qu’elle porte à son amant. Ce n’est pas elle qui met fin à cette idylle mais bien son corps qui abdique, ne la porte plus et tire la sonnette d’alarme.

« Oui les nuits étaient réelles, et dures, tranchantes comme des rasoirs, lumineuses et clairement dessinées. Paysages différents, contrées différentes ; chaleur, crainte, froid, plaisir, faim, souffrance, désir, volupté, débordante, envahissante. »

Si apparemment les nuances de gris ne remportent pas tous les suffrages critiques, il a eu le mérite au moins de faire rééditer ce roman un peu oublié des années 80, tant le film à pris le dessus sur son double littéraire.

« La douleur était toujours un prélude au plaisir, conduisait toujours, par un chemin plus au moins long à l’orgasme ; elle devenait pour moi aussi sensuelle, aussi désirable, aussi essentielle à l’acte d’amour que les caresses. »


9 semaines ½ ou comment rendre 50 nuances de Grey bien fade ! 


½ WEEKS-POST IT


« Quand mon corps a recouvré son équilibre normal, j'ai couché avec un autre homme, et je me suis aperçue que mes mains gisaient inertes sur les draps. J'avais oublié ce qu'on pouvait faire avec elles. Certes, je suis de nouveau une adulte responsable. Mais j'ai l'impression que quelque chose s'est physiquement détraqué en moi. Des années ont passé, et je me demande parfois si mon corps pourra jamais enregistrer autre chose que des sensations tièdes et moyennes. »
Elisabeth McNEILL (Ingeborg Day), 1978


« Son héritage me console et m'inspire : il est la preuve que même après une période très difficile nous pouvons tous reprendre en main notre destin et que nous avons le choix. »
Ursula Day, février 2014 

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