Aki SHIMAZAKI
Editions : BABEL
2005 - 115 pages
- Vous n'êtes pas fâché contre les américains ? Vous et votre famille êtes les victimes de la bombe atomique. Il
me semble que vous les défendez. Je ne comprends pas. Elle ne répondit pas.
Elle regardait vers le mur, l’air absent.
- Sais-tu dit-elle comment certains
militaires japonais se comportaient dans leurs colonies des
pays asiatiques ? « Violents, cruels, brutaux, inhumains, sadiques,
sauvages… » Voilà les mots utilisés par leurs victimes. Cela aurait pu
être plus terrifiant si le Japon avait remporté la victoire. Beaucoup de gens
devaient être contents de la défaite de l’empire japonais. Je te rappelle que
les Japonais ont massacré plus de trois cent mille personnes avant d’occuper
Nankin, en Chine. Ils ont tué non seulement des soldats et leurs prisonniers,
mais aussi des gens ordinaires, des civils sans armes. Ils ont violé des femmes
et les ont toutes tuées par la suite. Même les jeunes enfants de sept et huit
ans ont été leurs victimes.
- Mon Dieu c'est épouvantable.
Mon fils était
choqué. Il se prit la tête à deux mains, longuement.
-Pourtant, continua-t-il, tout
cela ne justifie pas l’utilisation des bombes atomiques. Ce n’était pas vraiment nécessaire.
Les américains auraient pu éviter cette catastrophe.
La lecture de ce simple échange me saisit immédiatement et me
prédit une histoire tragique. Mais j’étais loin de me douter qu’il n’y avait
pas que les bombes qui puissent détruire une vie mais aussi les fractures du cœur qui peuvent changer à tout jamais un
destin.
C’est au milieu des corps
déchiquetés, calcinés et de l’odeur nauséabonde de la mort qu’un secret va éclater
et bouleverser la vie de la jeune Yukiko. C’est avec un mélange de haine et
d’amour qu’elle gardera ce secret d’alcôve au fond d’elle. Toute sa vie, il
coulera dans ses veines comme un poison et quand viendra le moment fatidique de
se retrouver face à Dieu, elle léguera ce poids comme pour se libérer et être
plus légère pour son ultime voyage.
Quand dans l'atrocité de la guerre, les liens du sang viennent anéantir
les liens du cœur et que le corps n’est que douleur, plus rien ne compte que de
le soulager, quel qu’en soit l’art ou la manière, alors vient le geste crucial,
libérateur ou pas.
« Comment arriver à parler sensualité alors que la
puanteur de milliers de morts va emplir les pages de ce court roman ».
Telle est la réflexion du
Bison qui a fait remonter cette courte nouvelle directement sur le dessus de ma P.A.L.
Tabernak ! C’est justement tout le mérite de la plus québécoise des
japonaises, Aki SHIMAZAKI. De sa plume délicate, elle transmet des émotions et
les communique en conjuguant à merveille l’horreur à la sensualité : L’art
japonais dans toute sa splendeur.
- Grand-mère,
pourquoi les Américains ont-ils envoyé deux bombes atomiques sur le
japon ?
- Parce
qu’ils n’en avaient que deux à ce moment-là, dit-elle franchement.
Tsubaki, le poids des secrets... Les non-dits mutilent, les contredits tuent et quand les dits libèrent, au milieu fleuri un camélia rouge...
椿
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