Editions : ACTES SUD
Titre original :
Las leyes de la frontera 2012
"La justice est fondée sur cette injustice :
le pire des hommes a lui aussi droit à ce que quelqu'un le défende ;
sinon, il n'y a pas de justice".
Après trente ans d’un régime phalangiste, l’Espagne en pleine
agonie passe d’une dictature à une démocratie. Franco est mort depuis trois
ans, les espagnols à genoux se relèvent peu à peu. Nous sommes en 1978, dans le
petit village de Gérone, deux quartiers sont opposés. Celui d’Ignacio, garçon
de famille modeste et celui de Zarco, le caïd, et sa bande de loubards. Les
lois de la frontière les séparent mais leur chemin se croise et son destin en sera à tout jamais
bouleversé.
Zarco,
la sulfureuse Tere et la bande sont les terreurs de la ville. Ils vivent de
petits deals, vols, braquages de banques, d’amour et ont soif de liberté. Alors quand Ignacio, cet adolescent timide et
introverti, va croiser le charismatique Zarco et que la belle Tere va lui faire
découvrir les prémices de l’amour, Ignacio ne voit là qu’une bouffée d’oxygène
lui si engoncé dans sa petite vie conventionnelle et sécurisée.
L’été
78 sera l’été de tous les changements. Zarco initie le jeune à la délinquance
et à l’adrénaline. Malgré la ligne franchie, Ignacio n’est pas du même bord, le
sang de la révolte ne coule pas dans ses veines et la voix de la sagesse se
rappellera à lui. La police ne les lâche plus, l’étau se resserre jusqu’à
l’ultime dénouement.
Dans
la première partie nous marchons pas à pas au côté d’Ignacio. Nous suivons le
déroulement de ce qui le mène à défier les lois, franchir la frontière entre le
bien et le mal, la justice et l’injustice. Son intégration auprès de la bande
sera difficile et les liens qui le soudent à Zarco bouleverseront la vie du
jeune étudiant et celle de sa famille.
La deuxième partie s’étalera sur une trentaine
d’année. Ignacio, malgré son passé troublant devient un avocat réputé et
respecté de tous. Il va suivre pas à pas, année par année, le mythe Zarco. La
presse le suit et le cinéma l’idolâtre. Condamné à 150 ans de détention, toutes peines confondues, Zarco vient de passer plus de la moitié de sa
vie en prison. Alors, Tere revient vers Ignacio et lui demande de défendre
l’illustre récidiviste. La passion non assouvie entre ses deux êtres jaillira
de plus belle et leur révèlera les années perdues.
Durant
346 pages, j’étais en immersion totale dans la vie d’Ignacio et Zarco. J’ai
franchi ces lois, j’étais dans la fascination d’un être que rien n’arrête. Ce
livre parle d’une forte amitié, du regard d’un père, du mutisme protecteur
d’une mère, mais aussi du silence et des non-dits qui étouffent et éloignent
alors qu’un seul mot suffit pour réunir deux être qui s’aiment violement. Javier
Cerca connait bien le sujet dont il parle. Il décrit superbement un pays qui vient
de subir des décennies de fascisme, avec cette difficile transition que fut le
passage de l’oppression à la liberté, de ceux qui ont su profiter d’un régime franquiste
et les autres encore dans la douleur de la perte et de la souffrance. Cette histoire me parle et me touche car elle me ramène à mes racines, à ma famille, les opprimés. Ce roman déborde d’amour, de tolérance. Il raconte les bas-fonds de
l’Espagne, de la révolte, des lois immuables de la vie, de la mort, des erreurs
qui nous rendent plus fort, des choix qui nous poussent à certains renoncements
et du Pardon.
Les
lois de la frontière … la ligne est franchie…Merci !
«Tu n’aimes toujours pas la musique, Binoclard, a-t-elle dit alors. J’en écoute rarement, c’est ça le problème. Et pourquoi ? a demandé Tere. J’allais lui dire que je manquais de temps mais je ne l’ai pas fait. En regardant les boitiers des CD, Tere a ajouté, amusée et déçue à la fois : En plus, ces noms de me disent rien. Je me suis levé, je me suis accroupi à côté de Tere, j’ai mis un CD de Chet Baker et j’ai mis I Fall in love too Easily… Puis elle s’est mise à danser toute seule, avec un verre de vin à la main et les yeux fermés, comme si elle cherchait à percer le rythme caché de la chanson ; quand elle semblait l’avoir trouvé, elle a posé son verre sur la chaine, s’est approchée de moi, m’a passé les bras autour du cou et m’a dit : On ne peut pas vivre sans musique, Binoclard. Je l’ai prise par la taille et j’ai essayé de suivre ses pas. Je sentais ses hanches contre mes hanches, sa poitrine contre ma poitrine et ses yeux dans mes yeux. Tu m’as manqué Binoclard, a susurré Tere.»
Hasta la vida, hasta la muerte, hasta l'Amor
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