Delphine ROUX
Editions PICQUIER 2015
114 pages
Masse Critique Babelio
« Je
ne vois jamais mes nièces. Je ne demande pas à les voir. […] Quand je les ai
rencontrées la première fois à la maternité, j’étais comme anesthésié
d’émotion. Les enfants de ma sœur, la communauté cellulaire, les cheveux
similaires. J’ai posé doucement un ourson dans le berceau d’Asami, un
mini-Totoro dans celui d’Asaka. Seki m’a fixé intensément. Pendant quelques
secondes, j’ai cru retrouver la petite fille qui pédalait en riant sous les
seringats. J’ai cru retrouver ce regard enveloppant qu’elle posait sur moi, ses
mains tranquilles. Comme un retour à la source de ce que nous avions été »
Il
y a des histoires comme celle-ci qui laisse des traces exquises en nous. Une
remontée dans le temps qui nous emmène sur les rivages des souvenirs d’une enfance
meurtrie. L’histoire simple d’une fratrie à travers le regard d’un jeune homme,
Koichi, le narrateur. Inséparables, les liens qui les unissaient paraissent
indéfectibles. Seki est une sœur aimante et dévouée. Pourtant, quand un drame survient
brusquement dans cette famille, pour se protéger, elle met son cœur en hiver quant à Koichi, il reste indifférent au monde qui
l’entoure.
« Doucement
elle m’a déshabillé, a tenté de me rassurer, de me caresser là où elle savait
donner du plaisir à ceux qui la payaient. Mais rien ne s’est passé. Malgré sa
bonne volonté. Mon sexe restait mou, j’étais comme anesthésié, le corps dans cette
chambre, l’esprit je ne sais où. »
Mais
parfois à trop vouloir se protéger, derrière les boucliers de silence se cachent
des douleurs qui gangrènent le corps. Des blessures qui assassinent l’esprit. Koichi
comprend alors le rôle qu’il doit endosser à son tour pour panser les cœurs
abimés et retisser les liens avec celle qu’il aime plus que jamais.
Je
croyais qu’il n’y avait que la force tranquille d’un haïku ou d’une plume
japonaise pour décrire la sensibilité avec autant de légèreté et de
bienveillance. Je me trompais. Delphine Roux, auteure française, réussit à
merveille ce court roman que je condamnais d’avance. Chaque phrase laisse
planer cette saveur aigre-douce dont seuls, je croyais les asiatiques capables. Ses mots reflètent une douce
mélancolie. Une sagesse sans faim ne laissant à notre âme qu’une note ultime de
poésie.
« Parfois
Seki me donnait la main comme une mère. Mes doigts pâles dans les siens, nous
avancions en cadence. Ma grande sœur qui m’aimait comme une mère. Mon
inséparable qui me tendait son existence, au risque de tomber ; qui
m’aidait à avancer. »
[Kokoro],
à la recherche d’une âme çœur et retrouver l'envie d'une nouvelle vie.
pour cette lecture.