Editions 10/18
2002
« C'est un sourire discret, presque imperceptible, de ceux qui se
forment sur le visage parfois, sans qu'on le décide, qui surgissent sans qu'on
le commande, qui ne semblent reliés à rien en particulier, qu'on ne saurait pas
forcément expliquer.
Voilà : c'est un sourire de presque rien, qui pourrait être le signal
du bonheur ».
Nous sommes à Cape Cod, aux Etats-Unis, Chez Phillies, au pub around the corner. C’est le soir, une
ambiance feutrée, la moiteur et la mélancolie d’une nuit d’automne. Quelques
notes de piano d'Erik Satie s’échappent du juke-box. Au comptoir il y a Ben, le
barman et Louise. Ils échangent des banalités, traînent leur ennui et trompent leur solitude dans un verre de bourbon. C'est
alors que le tintement à l’entrée du bar annonce une arrivée. La porte s’ouvre,
un homme rentre, un revenant : Stephen.
Stephen et Louise ont autrefois
formé un des couples les plus en vogue de Boston. Elle, jeune comédienne et
lui, brillant diplômé de Harvard. Ils ont vécu ensemble cinq ans d'amour et de
passion fusionnelle, jusqu'au jour où Stephen s'est laissé séduire par Rachel,
une brillante jeune femme de très haut rang, tout à son image. Il fait un
choix, quitter Louise qui lui a fait jurer de ne jamais chercher à la revoir.
Il semblerait que l’heure de la
mise aux poings ait sonné. Comment reprendre le cours de l’histoire après toutes
ces années d'absence et d’amertume ? Pourquoi Stephen est-il là ce soir ? Est-ce
le hasard qui a fait se croiser les chemins ou les secrets du destin ? La nuit leur appartient pour revenir sur leur vie, leur amour déçu, les regrets,
les échecs et leurs désillusions. Un face à face à la fois cinglant et émouvant
où va resurgir de vieilles rancœurs et les non-dits. Trouveront-ils la lumière
au bout de la nuit au doux parfum d’arrière-saison ?
« Elle est convaincue que le
monde change, que la vie propose des épreuves mais qu'on peut rester soi-même
et triompher de ces épreuves. En fin de compte, les souffrances font partie de
l'existence, elles ne peuvent pas nous être épargnées mais elles valent cent fois
mieux que des moments insipides, elles sont le prix à payer pour affirmer ce
qu'on est et accomplir ce qu'on a décidé ».
Un huis clos tel que je sais les apprécier.
Philippe Besson s'est inspiré d'une peinture d'Edward Hopper pour écrire son
roman. Pour ces retrouvailles, l’auteur offre à ces oiseaux de nuit la pénombre d’un
décor somptueux. Il a su conjuguer avec justesse les dialogues et les âmes esseulées de Hopper. Un
tableau et un roman en accord parfait.
Cette œuvre « Nighthawks »,
les oiseaux de nuit, a été peinte en 1942. Edward Hopper s'est inspiré d'une
nouvelle d'Hemingway «The killers» montrant des personnes assises dans un bar
typique américain : Une femme de rouge vêtue accompagnée d'un homme, assis tous
deux au comptoir, le barman et un homme de dos. La scène se passe tard dans la
nuit, un des plus célèbres tableaux de Hopper.
Ce charme jazzy des années 40 et
cette bouteille de bourbon n’ont pas été suffisants pour étancher la soif d’un vieux Bison. Pourtant il y a bien tous
les ingrédients pour faire vibrer un ruminant cannibale : Un comptoir, de
la bonne musique, une femme rousse aux longues jambes de 111 cm et plus si
affinité.
« Tout à coup, ils ne sont plus uniquement leur passé ou leur
passif, leurs amnésies criantes ou leurs remontrances muettes, ils ont des
corps, des formes qu'ils connaissent bien, des peaux qu'ils ont souvent
caressées, des bras qui leur ont servi à s'étreindre, des bouches qui se sont
touchées chaque jour pendant cinq ans. Le désir, il est palpable. La violence
qu'ils ressentent, qui les heurte tous deux ensemble, elle est physique. Ils
s'en retournent aux origines ».
L’arrière-saison, quelques notes
d'Erik Satie et deux bourbons …
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