lundi 28 mars 2016

Devenir Sienne

Éva Delambre

Les éditions : Tabou
2014




« L’amour et cette étrange sensation où tout s’écroule autour de soi, où le silence demeure et les faits restent. L’acte de la perversion, de l’humiliation, de la frustration ; tous ces actes qui se réunissent dans une seule finalité, la jouissance et le bonheur d’aimer et d’être aimé. Ne te trompe pas, ce livre parle d’amour, même si les dérivés pour y arriver sont « spéciaux».

Ce roman est beau, ce roman est intense, ce roman est jouissif. Je vous ai déjà dit que j’avais adoré ce roman ?! »

Oui Maître Bison, nous l’avons bien compris que ce livre t’a plu et je dirai même plus, oooohhh ouiiiiiiiiiiiiiiiii il t’a plu !

Et comment, moi,  pauvre pécheresse,  pouvais je résister à une telle chronique ? Tes mots m’ont attiré dans les filets de ta perversité et je n’ai pu m’en dégager avant la 436ème page.

Je suis certaine que tu as hâte d’avoir un avis féminin.
Mais règle numéro 1 :
Ne pas parler la bouche pleine ! 
- Peux-tu me passer un mouchoir s’il te plait ? ^^

Il est certain que dans la position d’un mâle dominateur et de se faire sucer au moindre claquement de doigts, tu ne pouvais qu’apprécier ce roman, voir même t’y projeter sur ton canapé couleur taupe … attention aux éclaboussures ! Mais redescendons sur terre mon cher Bison veux tu ? Nous sommes bien dans une fiction. Qu’une femme puisse jouir 7 à 8 fois d’affilée en changeant de queue …. Euh … faut pas abuser non plus… Tu l’as trouvé au rayon utopie ce  roman ? ;-)

Bon trêve de plaisanterie ! Malgré quelques  redondances, des scènes de sexe à répétition, ce livre m’a tenu pieds et poings liés jusqu’à la dernière goutte … page…. pardon !

Une lecture addictive certes, une jolie écriture je te l’accorde, un style fluide qui glisse tout seul ouais pas mal, surtout dans les onomatopées : les OOOOOOHHHHHHHH, les AAAAAHHHH, jamais ne me lasse, les MMMMmmmmmm, les Ouiiiiiiiiiii et Encoooooooooooooore, les vas-y défonces moi le c--.

Mais ce qui m’a le plus intrigué et intéressé dans ce roman, c’est l’histoire de cette femme et ses limites, parce que justement des limites elle n'en a plus. Une épouse avec une vie bien rangée, un peu trop peut être, qui va découvrir dans les bras d'un autre, le monde pervers du sadomasochisme pur et dur. Aucun palier entre sa vie d’avant et la nouvelle. Elle se retrouve du jour au lendemain avec un collier et une laisse à faire des fellations à des inconnus, en veux tu en voilà, avec un aplomb qui m’a laissé sans voix. Les scènes d’humiliation et de soumission vont crescendo. Elle accepte toutes ces nouvelles expériences sexuelles par plaisir et surtout par Amour pour son Maître avec un grand H comme tu dirais.

« Je sentis une larme couler le long de ma joue. Une larme de bonheur de vivre ce moment merveilleux, mais une larme qui représentait surtout le désarroi d’une femme mariée qui réalise qu’elle est follement amoureuse de son amant et qui sait que rien ne sera plus comme avant ».

Cette soumission m’a quelque peu agacé et je dirai même que  parfois j’ai eu de la compassion pour cette jeune femme. Elle est toujours dans le geste d’aimer à la recherche éternelle du grand A, alors que lui n’est que dans un acte de pouvoir. J’aurai aimé un peu plus d’humanité de la part de cet homme. Comment une histoire d’amour (si amour il y a) peut-elle bien finir avec autant de perversion ? Comment peut-elle s’oublier dans une telle relation ? Peut-on tout accepter par Amour ? Comment peut-elle trouver un épanouissement et une jouissance dans ce rabaissement ? Ce sont toutes ces questions qui m’ont ligoté tout au long de ces chapitres. Des réponses à cette histoire d’amour ? J’ai douté par moment ! Trop de soumission tue la soumission. Nous ne sommes plus dans un jeu érotique mais bien dans la torture physique et morale. Leur duo  SM ne m’a en rien dérangé, nous avons tous, à un degré différent, un petit coté sado-maso, mais une telle obéissance et abandon de soi  à la domination et à l’humiliation, je dis STOP !

Beaucoup de passages m’ont touché. Cette adoration qu’elle lui porte sans rien demander en retour ou si peu. Je rejoins l’idée que par Amour nous sommes capables de franchir l’impossible.
Mais je pense qu’elle va trop loin dans la soumission et notamment dans l’humiliation et la douleur.
Il y a une limite à ne pas franchir, et là j’avoue ne pas comprendre.
Mais faut-il comprendre ? Ne faut-il pas juste l’accepter …

Comme je ne saisis pas ce qu’il aime en elle, ce qu’elle peut lui apporter, alors je ne cherche plus à comprendre, j’accepte et je plonge dans ce roman à ses côtés. Je rentre dans leur jeu, un monde inconnu, une autre forme de romance dans un univers gothique et de perversité. J’observe un peu gênée. Je déambule, avec curiosité, dans ces couloirs sombres et libidineux et je m’interroge : Jusqu’où suis je capable d'aller par Amour ?

« Dans le ciel au-dessus de ma tête, une multitude d’étoiles scintillent en silence. Je suis heureuse. Heureuse à en avoir le souffle coupé, comme si j’allais mourir étouffée ».



mardi 15 mars 2016

LOVE



Un film de GASPAR NOE
Avec

Karl Glusman
Aomi MUYOCK
Clara KRISTIN

Présenté au festival de Cannes 2015
Interdit aux - de 18 ans








Ces bois sont charmants, sombres et profonds.
Mais il me reste des promesses à tenir
Et des lieux à parcourir avant de dormir
Et des lieux à parcourir avant de dormir 
Robert Frost


Une théorie selon Platon raconte qu’autrefois il existait des êtres dotés de quatre jambes, quatre bras et deux têtes. Ils étaient parfaitement heureux et puissants, mais trop puissants au goût de Zeus. Il les coupa et les éparpilla aux quatre coins du monde, si bien que les humains sont maintenant condamnés à rechercher éternellement leur moitié, celle qui jadis partageait leur âme. Seuls les êtres humains les plus chanceux retrouvent leur moitié coupée, leur âme sœur.

Avec sa bouche brûlante de café, elle fit exploser les arômes et les jouissances.


Le ton est donné dés la première scène. Êtes-vous prêt à pénétrer dans l’intimité d’un couple à la dérive ? De rentrer au plus profond de leur être ? Parce qu’il faut être prêt émotionnellement pour croiser le regard bleuté d’Electra et la gueule d’ange de Murphy. La fusion de ces deux êtres et voilà que l’on bascule dans la folie.

Un bonheur retrouvé de penser jour et nuit à une femme,
A la fois belle et féline
A la fois putain et divine.

Electra et Murphy s’espèrent, s’accordent et se love corps et âme. Mais leur soif de liberté et l’excès de cocaïne les font sombrer dans un labyrinthe destructeur. Une chance unique de trouver son âme sœur et tout est gâché par abus d’aimer. La passion laisse place à la destruction. Les promesses faites n’ont pas raison de leur amour, Electra fuit, avant la haine, avant le dégoût.

Deux ans se sont écoulés. Murphy a une compagne, un fils Gaspar, une existence rangée qu’il n’a pas souhaitée et dans laquelle il crève. Un appel téléphonique inquiétant de la mère d’Electra, et tous ses vieux démons resurgissent ainsi que son amour démesuré. Murphy se remémore sa liaison à coup de flash-back et de crack. Prenez votre souffle, nous rentrons en totale immersion dans leur étroite intimité. 

Gaspar Noé ose une véritable autopsie d’un couple, un drame d’amour charnel filmé de l’intérieur. Il signe un portrait intimiste d’un homme et d'une femme qui fusionnent au-delà de la morale. Nous devenons spectateurs de nos propres inquiétudes et nos propres  fantasmes. Une histoire simple en somme,  sur les aspects existentiels comme les sentiments de jalousie et de culpabilité,  le désir, la peur de mourir et l’urgence d’aimer. Il nous  kidnappe sans nous épargner et nous porte vers le sens même de la vie : sommes nous encore capable d’aimer ?


Les gros plans caméra nous offrent des moments de grâce et d‘intimité à couper le souffle. Cette promiscuité désacralise ce que nous jugeons trop souvent de sale et pervers.  Les deux comédiens sont charismatiques et beaux dans leur audace et leur lâcher-prise. Aomi Muyock et Karl Glusman ont une marge importante à l’improvisation. Leurs propres mots et émotions nous permettent de toucher la réalité. Pendant le tournage, certaines séquences ont duré plus de 45 minutes mais le réalisateur en a extrait seulement quelques secondes pour n’en saisir  que la beauté et la sensualité pures.  Et que dire du choix intelligent de la bande son et de la bande originale ? Son choix musical rajoute la sentimentalité à l’histoire.  Il atténue les cries et les soupirs orgasmiques pour laisser une place magistrale aux silences et à la musique de Satie, Bach et «Is there anybody out there» des Pink-Floyd. Ce coup de maître écarte définitivement ce film du rayon pornographique pour le placer en tête de gondole du rayon Amour & Passion. 

S’il te plaît
S’il te plaît
Dieu
Dis-moi qu’elle va bien
Dis-moi qu’elle est heureuse
Dis-moi qu’elle est en vie…

Love … Please, please, please, love me too ...