vendredi 30 janvier 2015

Azami

Aki Shimazaki

LEMEAC / ACTES SUD
130 pages
2014

Rentrée Littéraire Janvier 2015




SEXLESS :
Mot castrateur dont je ne connaissais ni l’existence ni la signification voici quelques jours.

Syndrome japonais délicatement abordé avec justesse et intelligence dans ce court roman de Shimazaki-san.

Abstinence  ou  absence totale de désir ou d’activité sexuelle au sein d’un couple, manifesté par une grande aversion de toute relation tactile avec l’autre. L’envie n’existe plus. Les origines sont physiques et/ou psychologiques : impuissance du mari, insatisfaction des conjoints, frigidité, les femmes s’ennuient de leur mari, développement d’un certain dégoût pour l’acte sexuel. La cause du phénomène est vécue de manière volontaire mais souvent subie par une seule des deux personnes qui est en état de manque, sa libido restant intacte. Mais il arrive aussi que ce soit par les deux. Malgré l’affection qui subsiste, une dépression conjugale s’installe. Dès que l’on ne pratique plus l’acte sexuel, il est très difficile de redevenir actif à cause du manque de volonté des intéressés. C'est dans cette atmosphère de frustration et de solitude assumées que les relations sexuelles du couple s'effacent au profit de l'autosatisfaction : vidéo pornographique, sex-toys,  sex-shops, masturbateurs high-tech,  bar de rencontre. (Agoravox Mars 2007)

Mitsuo et Atsuko sont un couple sexless. La trentaine, carrières prometteuses, deux enfants, ils ne manquent de rien mise à part de cet épanouissement sexuel qui cimente le couple. Atsuo devient mère plutôt que femme tandis que Mitsuo étouffe sa libido au plus profond de lui.

« Je me demande souvent s’il nous serait possible de raviver notre sexualité, comme au début de notre mariage. Toutefois, nous sommes si accoutumés à notre vie actuelle, surtout à la chambre à part, que j’ai peur d’aborder le sujet avec ma femme. Je n’arrive pas à croire que huit ans ont déjà passé depuis notre union. Atsuko vient d’avoir trente-quatre ans et moi, j’en aurai bientôt trente-six. Nous sommes encore trop jeunes pour être sexless. Je n’imaginais pas une telle chose. »

Néanmoins, Mitsuo reste un homme normal, ses désirs le consume, le besoin est toujours là et se fait ressentir. Alors après son boulot, de temps en temps, pour combler ce manque, il fréquente les pink-salon et les vidéo-box. Son épouse tolère ce fait, se tait et ferme les yeux. 

Dans ces lieux d’érotisme, aucun contact, c’est simple, commode et rapide. Mais il est las de ces services «sexe solitaire» qui lui procurent  de plus en plus un sentiment de vide et de profonde tristesse.

« Il y a des hommes qui vont au vidéo-box ou au pink-salon pour seulement se soulager. C’est pitoyable ! »

C’est par le plus pur des hasards qu’un jour il croise un ancien camarade, Gorô, marié, deux enfants, couple sexless et trois maîtresses. Un soir Gorô insiste et  l’invite dans un club très sélect, c’est donc sans arrière pensée que Mitsuo le rejoint. Dans ce lieu de fantasme il reconnait la belle et mystérieuse Mitsuko, son amie de classe, élève mutique mais exemplaire avec qui il découvrira les premiers émois et prémices de l’amour.

Pour ne pas l’offenser, il cache sont identité. Désormais, son souvenir ne le quitte plus, les images défilent et ravivent en lui des désirs trop longtemps étouffés. Pourquoi est-elle devenue entraîneuse au doux nom d’Azami, alors qu’un bel avenir lui était promis ? Mitsuo veut comprendre et la revoir. Il refait un point sur sa vie, ses espoirs, ses incertitudes. Entre doute et désarroi, plaisirs refoulés et passion ardente,  flash-back et présent, la vie ressurgit et les démons de minuit aussi.

Pourquoi ce syndrome toucherait davantage les nippons ? La réflexion ne serait elle pas plutôt, pourquoi les japonais en parlent plus librement que nous autres les occidentaux ? Peut-être parce qu'ici on ne le dit pas...

Je susurre à ton oreille :
« Ce soir encore, ton oreiller est baigné de larmes.
A qui rêves-tu ?
Viens, viens vers moi. Je m’appelle Azami. Je suis la fleur qui berce la nuit. »

Azami,  la perle rare de Shimazaki.

Quand fleur de chardon rime avec passion et vie, viens, viens je suis ton Azami …




***************************


19 commentaires:

  1. J’ai lu ce petit roman à l’automne, juste avant l’hibernation, et je me suis régalée. Une écrivaine québécoise née au Japon, que j’ai eu la chance de rencontrer. Quelle beauté, quelle douceur dans ces quelques pages. J’aime sa manière de raconter le Japon, d’aborder aussi le destin avec beaucoup de sensibilité, avec pudeur et une tonne de sentiments humains. Bravo pour ce beau billet Cristina :D

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Veinarde ! :D

      Merci beaucoup Nadine ! Je découvre cette auteure et je suis ravie car j'ai dans ma bibliothèque 2 livres de la Pentalogie "Le poids des secrets" de Shimazaki. Comme j'ai hâte de les découvrir.

      C'est à la fin de ma lecture que j'ai compris que l'écrivaine est une femme et quelle belle et jolie surprise !

      P'tit bec ;-)

      Supprimer
  2. Quel livre ! Typiquement le genre de bouquin qui me ferait envie. Coïncidence, je viens de finir également un Shimazaki. Ma première incursion dans son monde littéraire. Et pas la dernière. Une plume vraiment très belle, très fine. Et avec cette fleur de chardon, tu m'as donné envie de m'y piquer. (heu, ça pique le chardon ?)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Chardon : Fleur avec un dégradé de violet, aussi belle qu'épineuse. La vertu protégée par ses piquants.

      Une réelle surprise. J'ai clôturé l'année 2014 en beauté avec Ogawa et je la démarre merveilleusement avec Shimazaki. Quel plaisir !

      Laisse toi tenter par tes envies !

      Supprimer
  3. Un sujet délicat dont je ne doute pas qu'il soit traité avec le "doigté" qui lui convient.
    La littérature asiatique te sied à merveille petite fleur de chardon... ;)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Un sujet délicat comme tu dis, qu'il va falloir que je présente et défende avec "doigté" à la rentrée littéraire de mon village... Tu veux pas me remplacer ? ^^ ;-)

      Merci mon manU ton petit mot me touche ;-)

      Supprimer
    2. "Tu veux pas me remplacer ?"

      La question se réfère à la présentation ou au doigté ??

      Supprimer
    3. Dis moi il faut arrêter le gingembre dans la chouffe hein !! ;-)

      Bon comme je suis gentille je propose La présentation à Mister Crapaud et je te laisse le second, ça te va ? :D

      Supprimer
  4. Ah je vois, toujours les mêmes qu'on met sur les bons plans...

    RépondreSupprimer
  5. J'ai beaucoup aimé ce petit roam si délicat (et moi je connaissais la définition de "sexless" même si cela ne fait pas du tout, du tout, du tout, du tout, du tout, du tout partie de mon quotidien, tu t'en doutes bien ;) )

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Que j'aime ta spontanéité Jérôme, et la façon que tu as de ne pas te prendre au sérieux... Merci... J'adore !
      La passion ne dure qu'un temps, le plus important dans un couple c’est de faire perdurer la complicité, le partage, le désir, l’envie, l’Amour, surprendre toujours et de garder ce regard unique vers l’autre.
      Mais SEXLESS mon Dieu jamais !! que Dieu m’en préserve jusqu’à mes 80 ans au moins ;-)

      Supprimer
    2. Heu, 80 ans? c'est pour quand ?

      Supprimer
    3. J'ai encore de la marge t'inquiètes ;-)

      Supprimer
    4. Encore une petite vingtaine d'année...

      Supprimer
    5. Chut !!! ^^ il faut pas le dire ;-)

      Supprimer
  6. Je l'ai repéré celui là, le thème m'intrigue je dois dire...!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Et tu aimeras car le sujet est traité avec beaucoup de délicatesse... !

      Supprimer

" La vie est là simple et tranquille. "
Paul Verlaine

" Le plus difficile n'est pas d'avoir mal, mais de renoncer au bonheur. "
J.P.P